Concept de village : solution de logement afro-canadien
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Concept de village : solution de logement afro-canadien

6 mars 2024

EN BREF

  • Kizito Musabimana avait 11 ans lorsqu’il a été témoin du génocide contre le peuple tutsi au Rwanda en 1994.
  • Il est arrivé au Canada à l’adolescence et raconter des histoires a été un moyen de l’aider à surmonter son traumatisme. Il a par la suite créé le Rwanda Canadian Healing Centre pour aider d’autres personnes se trouvant dans une situation similaire.
  • Kizito est conscient du rôle que joue un logement sûr et abordable dans un processus de guérison. C’est pourquoi il a réuni des partenaires communautaires pour former une équipe de direction du laboratoire de solutions pour le logement afro-canadien.
  • L’équipe du laboratoire de solutions pour le logement afro-canadien a créé un prototype de village. Celui-ci est fondé sur des valeurs et des pratiques traditionnelles pour promouvoir la guérison, l’inclusion et le sentiment d’appartenance.
Kizito Musabimana devant un panneau de la ville de Toronto
Kizito Musabimana dirige une équipe chargée de trouver des solutions de logement pour la population afro-canadienne.

« Nous parlons de village, mais il ne faut pas pour autant le construire au milieu de nulle part. »

Kizito Musabimana dirige une équipe ayant une vision ambitieuse : créer le premier village d’habitation afro-canadien multigénérationnel de Toronto.

« Nous avons pensé à 2 concepts, dit-il. Nous voulons au moins 300 logements dans le minivillage. Le village ultime, quant à lui, comprendrait jusqu’à 1 000 logements. »

L’objectif est de créer les 2 villages d’ici 2030.

L’équipe a conçu la feuille de route qui permettra à Kizito de réaliser sa vision dans le cadre du laboratoire de solutions pour le logement abordable afro-canadien.

« La communauté afro-canadienne, les communautés autochtones et les autres communautés racisées sont toutes confrontées à des défis semblables, a déclaré Kizito. Il n’est pas seulement question de logement abordable. Notre communauté a perdu son sentiment d’appartenance et d’inclusion. »

Kizito Musabimana et l'équipe de l'African-Canadian Housing Solutions Lab devant un bâtiment
Kizito Musabimana et l’équipe du laboratoire de solutions pour le logement abordable pour la population afro-canadienne aimeraient élaborer un concept de village adapté à la culture. Ils travaillent avec la Ville de Toronto pour obtenir un terrain.
De gauche à droite : Peter Kagotho, gestionnaire de programme, Kenyan Canadian Association; Kizito Musabimana, directeur général,
Rwandan Canadian Healing Centre.; Juliet Opoku, éducatrice en santé et mieux-être; Jonathan Okubay, directeur général, New Nafka

L’histoire de Kizito

Kizito est né au Rwanda. Alors qu’il avait 11 ans, il a été témoin du génocide contre le peuple tutsi. Il a immigré au Canada à l’adolescence, et puis s’est inscrit à la Toronto Film School.

Raconter des histoires l’a aidé à surmonter son traumatisme, et il souhaite continuer à le faire.

« Ce que j’aime dans ma façon d’assimiler ce que j’ai vécu, c’est que je ne centre pas le problème sur moi. Notre nation n’est pas toujours belle, mais si on veut voir la beauté, on peut le faire. Voilà sur quoi je me concentre. Je crois que mon objectif est de raconter des histoires de réussite afro-canadiennes. Et si je n’ai pas d’histoire à raconter, alors mon rôle est de faire en sorte qu’elles se produisent. »

Kizito a fondé en 2018 le Rwandan Canadian Healing Centre avec le soutien de la communauté rwandaise canadienne. L’organisme sans but lucratif de Toronto soutient les personnes rwandaises et les personnes noires du Canada. Il les aide à surmonter les expériences traumatisantes liées aux génocides, aux guerres et à d’autres évènements catastrophiques.

Je crois que mon objectif est de raconter des histoires de réussite afro-canadiennes. Et si je n’ai pas d’histoire à raconter, alors mon rôle est de faire en sorte qu’elles se produisent.
– Kizito Musabimana, fondateur du Rwandan Canadian Healing Centre

Il avait d’abord envisagé de fonder un centre sur le trauma où les personnes ayant une expérience vécue pourraient se réunir, s’épanouir et guérir. Il a compris que pour guérir, les gens avaient besoin de quelque chose de plus. Ils ont besoin d’un endroit où ils se sentent en sécurité.

« Le logement joue un rôle clé dans la santé mentale des personnes et de la communauté », affirme Kizito.

Kizito Musabimana portant une écharpe
En tant que survivant du génocide rwandais contre les Tutsis, Kizito reconnaît le rôle important que joue le logement dans un parcours de guérison. C’est pourquoi il veut travailler avec d’autres parties prenantes pour bâtir une collectivité.

Comprendre les besoins, définir les défis

Pour le laboratoire de solutions, Kizito a formé une équipe principale réunissant de nombreuses parties prenantes : représentants et défenseurs de la communauté afro-canadienne, stratèges, architectes, concepteurs et autres personnes.

Que sont les laboratoires de solutions?

  • Les laboratoires de solutions sont aussi appelés laboratoires d’innovation sociale, laboratoires de conception ou laboratoires de changement. Ils représentent une approche novatrice pour relever des défis de société complexes qui nécessitent de changer les systèmes.
  • Les laboratoires de solutions offrent un espace sûr pour rassembler divers points de vue, remettre en question les hypothèses et expérimenter des solutions de logement.
  • Les organismes reçoivent du financement pour créer des équipes de projet. On les encourage à réunir une variété de parties prenantes afin d’obtenir des opinions diversifiées sur un enjeu.

Pendant plusieurs mois, l’équipe a mené des sondages, des groupes de discussion, des présentations et des entrevues. Ses membres se sont entretenus avec des spécialistes du logement, des urbanistes et des personnes ayant une expérience vécue de partout au Canada.

« Il était essentiel de bien comprendre la situation résidentielle des personnes d’origine africaine dans l’ensemble du pays », affirme Kizito.

Confort, commodité et interdépendance

On a demandé aux personnes participant au laboratoire d’imaginer leur habitation de rêve. Elles devaient réfléchir à ce que le logement représentait pour elles, au-delà d’une structure physique.

« Parmi les principales réponses, les gens voulaient un espace confortable, affirme Kizito. Et il est souvent difficile de trouver un logement confortable et abordable. Je pense que nous avons réussi à trouver un juste milieu, pas nécessairement en concevant des espaces très grands, mais en favorisant l’interdépendance. »

Kizito se souvient de son enfance à Nairobi, où tout le monde se saluait. Quand il est arrivé au Canada, les gens ne lui répondaient plus par « bonjour » mais par « je ne vous connais pas ». La communauté afro-canadienne a perdu l’interdépendance et le soutien qui font partie de sa culture.

La difficulté à Toronto réside en partie dans le fait que les gens vivent souvent loin des commerces et services de base.

« Si vous voulez vous faire couper les cheveux, surtout pour les personnes noires, vous devez traverser la ville », affirme Kizito.

Le minivillage nous permet d’attaquer de front ce problème en rassemblant les services afro-canadiens (entreprises, espaces récréatifs, fournisseurs de soins de santé et fournisseurs des services de soutien) dans une collectivité piétonnière.

Le défi pour la plupart des familles ne concerne pas seulement le loyer, c’est aussi tout le reste… la nourriture, la collectivité. Nous voulons trouver un moyen de réduire les coûts et de créer un meilleur milieu de vie par l’entremise de ce modèle.
– Kizito Musabimana, fondateur du Rwandan Canadian Healing Centre

Le concept du village comprend des halls centraux. Grâce à ceux-ci, lorsqu’une personne quitte son domicile, elle est immédiatement plongée dans un environnement qui facilite les relations. Ces espaces accueilleraient aussi des évènements, des ateliers et des rassemblements. De plus, ils offriraient un accès facile aux magasins et aux services.

« Et puis, bien sûr, il y a le volet intergénérationnel, affirme Kizito.

Le soir [en Afrique], nous nous réunissions autour du feu et les personnes âgées nous racontaient des histoires. Les jeunes s’asseyaient et écoutaient. Dans nos traditions, les personnes âgées sont les membres les plus importants de la collectivité. »

Kizito mentionne une constatation formulée par la plupart des personnes qui ont participé aux groupes de discussion : au Canada, le fait que des personnes âgées vivent dans un foyer de groupe est normal. Pour cette raison, « les personnes âgées préféreraient retourner vivre en Afrique, et c’est ce que la plupart d’entre nous ont tendance à faire. »

Résultat : il y a un manque de conseils de la part des personnes âgées.

« Nous voulons conserver ce savoir et cette sagesse. »

L’équipe espère qu’intégrer ces éléments permettra de créer une collectivité prospère et durable ainsi qu’un modèle reproductible.

Trouver le terrain

On prévoit que le minivillage sera construit dans 3 ans.

« Nous travaillons actuellement avec la Ville de Toronto pour obtenir le terrain », affirme Kizito.

L’équipe a envisagé la possibilité qu’elle n’obtienne un terrain approprié en ville. Dans ce cas, elle serait prête à explorer des zones un peu plus éloignées où le prix des terrains serait plus abordable.

Nous voulons au moins 300 logements dans le minivillage. Le village ultime comptera jusqu’à 1 000 logements. Nous croyons achever le projet d’ici 7 à 10 ans.
– Kizito Musabimana, fondateur du Rwandan Canadian Healing Centre

L’équipe explore aussi divers modèles de financement, tels que les obligations communautaires. Ils doivent permettre à la collectivité et aux membres éventuels d’investir directement dans le minivillage.

Bien que l’objectif immédiat soit la réalisation du minivillage, l’équipe de Kizito étudie simultanément les occasions d’acquisition de terrain pour le village ultime. Parmi les options, on compte le terrain de l’ancien aéroport de Downsview.

« Nous croyons achever le projet d’ici 7 à 10 ans », affirme Kizito.

L'équipe de l'African-Canadian Housing Solutions Lab pose devant le panneau de Toronto
L’équipe du laboratoire de solutions pour le logement pour la population afro-canadienne aimerait créer jusqu’à 1 000 logements d’ici 2030.
De gauche à droite : Peter Kagotho, gestionnaire de programme, Kenyan Canadian Association; Juliet Opoku, éducatrice en santé et mieux-être; Jonathan Okubay, directeur général, New Nafka; Kizito Musabimana, directeur général, Rwandan Canadian Healing Centre.

Les partenariats au cœur du projet

Les partenariats sont la clé du succès du minivillage et du village ultime.

Kizito peut déléguer une partie du travail administratif à mesure que son équipe du Rwanda Canadian Healing Centre s’agrandit.

« En 2024, ma priorité est d’établir des relations », dit-il.

L’organisme bénéficie d’un réseau d’environ 15 organisations et partenaires qui fournit une variété de ressources, de mesures de soutien et de services. Dans ce contexte, Kizito croit que le centre est bien placé pour élaborer les concepts et réaliser sa vision.

« Le succès du projet repose sur la collaboration, l’engagement communautaire et la défense des politiques. »

Écrire une nouvelle histoire

L’équipe du laboratoire prévoit que les concepts de village serviront de catalyseur pour : le changement, l’inspiration et la défense des droits au sein de la communauté afro-canadienne.

Elle espère aussi que son modèle permettra à d’autres collectivités de s’attaquer au problème l’abordabilité du logement.

« La recherche et la résolution de problèmes sont souvent considérées comme appartenant au domaine des experts et des universitaires. Cette idée préconçue empêche les membres de la collectivité de trouver des solutions, affirme Kizito. Nous voulons changer cette perception. »

En fin de compte, Kizito espère écrire une nouvelle histoire – une histoire qui marque un grand progrès vers des solutions de logement plus équitables et inclusives pour la communauté afro-canadienne partout au pays.

FAITS SAILLANTS

VOIR AUSSI

Profil du projet : Laboratoire du logement abordable afro-canadien | SCHL (cmhc-schl.gc.ca)