Créer un espace de guérison dans un village de micromaisons
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Créer un espace de guérison dans un village de micromaisons

26 juillet 2024

EN BREF

  • Le Ma Mawi Wi Chi Itata Centre de Winnipeg a créé un village de 22 micromaisons.
  • Fondé sur les principes de guérison autochtones, l’ensemble résidentiel Astum Api Niikinaahk offre bien plus que des logements. On peut y renforcer ses liens avec la culture, participer à des ateliers et recevoir des enseignements dans un environnement sûr.
  • En accord avec la place accordée aux familles par le Ma Mawi Wi Chi Itata Centre, les personnes résidentes sont considérées comme des membres de la famille.
  • Grâce au soutien du personnel d’Astum Api Niikinaahk, l’auteur-compositeur-interprète et membre de la famille Jason Bell a trouvé la sérénité et un espace pour réfléchir.
Transcription

(Visuel : vue aérienne du centre-ville de Winnipeg. Gros plan d’un petit ensemble résidentiel.)

(Texte à l’écran : Lanna Many Grey Horses, gestionnaire du soutien aux programmes; Ma Mawi Wi Chi Itata, la femme qui parle, apparaît à l’écran.)

LANNA [00:00:10] Le Ma Mawi Wi Chi Itata Centre est connu comme étant la grand-mère de Winnipeg, pour ce qui est du statut organisationnel.

(Visuel : La caméra se déplace sur une enseigne qui indique « Winnipeg ». Vue aérienne d’une aire de jeux.)

Il s’agit d’une organisation de longue date au service de la collectivité, et principalement des communautés autochtones.

(Visuel : La caméra passe à une silhouette de corbeau en métal dans un jardin. Puis à une œuvre murale d’un caribou en métal. Ensuite, on voit une ancienne plaque d’immatriculation du Manitoba. La caméra montre ensuite une plate-bande.)

Nous réalisons vraiment, en cette période, que le logement est un facteur essentiel pour soutenir les familles et favoriser la réussite.

(Texte à l’écran : ASTUM API NIIKINAAHK. Venez vous asseoir chez nous).
(Visuel : La caméra montre ensuite un drapeau, sur un immeuble, sur lequel on peut lire « Manitoba Métis Federation ».) La caméra montre une cour intérieure.

Astum Api Niikinaahk est un village de micromaisons qui compte 22 logements autonomes, dont 4 pour des personnes handicapées.

(Visuel : La caméra se déplace dans une salle ronde munie de tables et de chaises. Gros plan sur une plume. La caméra montre ensuite un gros plan d’un collier d’une Première Nation et se déplace sur un livre qui indique « Oski Testament ».

Nous avons un pavillon central, en forme en cercle. Cette forme est très importante, car au centre de ce cercle se trouvent tous les éléments de guérison, de médecine et de culture.

(Texte à l’écran : Donna Walstrom, coordonnatrice du logement, Astum Api Niikinaahk, la femme qui parle, apparaît à la caméra. La caméra se déplace de haut en bas, dans une salle ronde, où se trouvent divers objets culturels des Premières Nations. Gros plan d’herbes séchées en paquets.)

DONNA [00:01:03] La pièce dans laquelle nous nous trouvons actuellement s’appelle une salle ronde. C’est là que nous conservons tous nos produits de médecine. Cette salle est utilisée pour les cercles de partage avec le personnel ou avec le personnel et des parents. C’est simplement un endroit sûr pour discuter de choses importantes, ou simplement lorsque nous voulons nous libérer d’un poids.

(Visuel : La caméra montre un gros plan d’une pièce de vêtement d’une Première Nation. Gros plan de bocaux. La caméra passe ensuite à un gros plan d’herbes séchées suspendues à l’envers. Gros plan d’une peinture d’une femme d’une Première Nation.)

LANNA [00:01:24] La grande connexion ne se limite pas à une maison, n’est-ce pas? Pour les Autochtones, c’est plus que cela. Il faut établir des liens avec la culture et les traditions, et assurer la guérison.

(Texte à l’écran : Jason Bell, un parent, Astum Api Niikinaahk, l’homme qui parle, apparaît à la caméra.)

JASON [00:01:49] Je m’appelle Jason Bell, de la nation Dakota de Sioux Valley. J’ai déménagé ici il y a environ cinq ans. J’allais à l’Université de Winnipeg. J’y suis allé pendant deux ans. La pandémie de COVID-19 est arrivée. J’ai donc perdu mon appartement. Puis, de retour chez moi, ma maison a brûlé. Je n’avais nulle part où aller.

(Visuel : Vue d’ensemble de la cour intérieure et des logements l’entourant. La caméra se déplace vers l’un des petits logements. La caméra montre diverses peintures de Premières Nations suspendues à l’arrière d’un immeuble donnant sur une rue. La caméra passe à un gros plan de l’un des logements verts. Elle se déplace ensuite sur des logements bleus. La caméra fait un panoramique de l’une des chambres.)

LANNA [00:02:20] Au départ, lorsque les personnes arrivent, elles viennent d’un campement où elles sont toujours sur leurs gardes, où leur sécurité peut être compromise à un moment donné. Et elles arrivent ici. Nous voulons nous assurer qu’elles se sentent en sécurité. Elles peuvent verrouiller la porte. Elles peuvent faire les choses que vous et moi tenons pour acquises.

(Visuel : Jason Bell, qui joue de la guitare.)

JASON [00:02:36] J’aime cet espace parce qu’il est calme et que je peux lire et jouer de la guitare. Et je suis un peu un auteur-compositeur. Comme vous pouvez le constater, c’est comme une libération émotionnelle, comme une façon de me débarrasser de certains de mes démons. Il m’arrive parfois d’avoir des idées noires, mais je pense qu’écrire est un peu ma façon de guérir.

(Visuel : Dessin en noir et blanc suspendu sur un mur montrant un enfant d’une Première Nation. La caméra passe à une vue panoramique de la salle ronde avec les objets culturels. Gros plan sur une plume. Vue panoramique d’un foyer à l’intérieur de la cour. La caméra passe de Lana, à Donna puis à Jason.)

LANNA [00:03:04] Nous voulons montrer qu’une approche autochtone fonctionne, pas uniquement pour les Autochtones, mais aussi pour beaucoup de gens différents. Nous leur ouvrons donc la porte et nous les accueillons dans cet espace. Et, vous savez, nous y trouvons un équilibre. Mais nous nous préoccupons d’abord des Autochtones sans hébergement de notre communauté. Mais nos portes sont ouvertes à tout le monde.

(Visuel : Panoramique vertical montant de la cour intérieure et montrant les immeubles derrière. La caméra fait un zoom en s’éloignant de la ville, près d’une rivière. Un logo de la SCHL s’affiche.)

Au milieu de portes aux tons bleus et verts, Jason joue de la guitare en toute tranquillité.

Cette scène est paisible, une situation à laquelle il n’était pas habitué jusqu’à récemment.

Jason a emménagé à Astum Api Niikinaahk en janvier 2023 et est devenu un membre de la famille de ce village de 22 micromaisons.

Originaire de la Nation des Dakota de Sioux Valley, il a déménagé à Winnipeg il y a environ 5 ans pour aller à l’université.

« La pandémie de COVID-19 est arrivée. J’ai perdu mon appartement et ma maison dans ma communauté d’origine a brûlé. Je n’avais nulle part où aller. »

Il vivait dans une maison d’hébergement à proximité lorsqu’il a vu le chantier de construction d’Astum. Il a alors décidé de s’informer à son sujet. 

Astum Api Niikinaahk est un village de 22 micromaisons géré par des Autochtones et situé à Winnipeg.
Astum Api Niikinaahk est un village de 22 micromaisons géré par des Autochtones et situé à Winnipeg.

Collaborer pour obtenir de meilleurs résultats

L’ensemble résidentiel Astum a été créé par le Ma Mawi Wi Chi Itata Centre. Le nom « Ma Mawi Wi Chi Itata » en ojibwé signifie « Nous travaillons tous ensemble pour nous entraider. »

Depuis près de 40 ans, cet organisme de Winnipeg aide les familles à trouver des solutions autochtones pour se reconstruire, guérir et s’épanouir. Cependant, l’aide qu’il pouvait offrir était insuffisante et ses responsables souhaitaient combler cette lacune.

Lanna Many Grey Horses, gestionnaire du soutien aux programmes, Ma Mawi Wi Chi Itata
Lanna Many Grey Horses, gestionnaire du soutien aux programmes, Ma Mawi Wi Chi Itata

Le manque d’options de logement convenables offertes aux Autochtones a été bien documenté par End Homelessness Winnipeg. Cet organisme contribue à la lutte contre l’itinérance à Winnipeg et à sa prévention sur divers fronts. Par exemple, il travaille à la création d’un système de soins axé sur la personne, à l’augmentation de l’offre de logements et à l’évaluation des progrès réalisés pour mettre fin à l’itinérance.

 

 

En 2022, un recensement ponctuel de la population de la rue à Winnipeg a été effectué pendant 24 heures. Il a révélé ce qui suit :

  • Au moins 1 256 personnes étaient en situation d’itinérance.
  • Près de 70 % des personnes sondées se sont identifiées comme Autochtone, Métis, Inuit ou membre des Premières Nations.
  • Les Autochtones étaient moins susceptibles d’avoir accès aux maisons d’hébergement ou aux logements de transition.

Source: End Homelessness Winnipeg (en anglais seulement)

 

Les Autochtones ne représentent qu’environ 14 % de la population de Winnipeg, mais ils sont surreprésentés dans la population en situation d’itinérance.
– Jason Whitford, directeur général, End Homelessness Winnipeg

 

Une solution gérée par les Autochtones

En 2019, le Ma Mawi Wi Chi Itata Centre a entamé une série de consultations communautaires. Son objectif était d’explorer les solutions de logement possibles.

Tout au long de l’hiver, des représentants du Ma Mawi et d’organismes partenaires ont visité des campements dans le quartier de South Point Douglas. Ils ont interrogé les personnes qui y vivaient sur leurs besoins en matière de logement et de guérison.

Les consultations ont démontré le désir d’avoir des logements avec services de soutien et gérés par les Autochtones.

Il est difficile de guérir sans logement abordable et sans lieu de vie.
– Lanna Many Grey Horses, gestionnaire du soutien aux programmes, Ma Mawi Wi Chi Itata

À l’été 2020, la pandémie de COVID-19 avait provoqué une situation d’urgence sanitaire. Les conditions de logement s’en sont trouvées aggravées pour les personnes en situation d’itinérance de Winnipeg.

« La population avait du mal à trouver des options de logement abordable. Les organismes peinaient à fournir des services adéquats aux personnes en situation d’itinérance ou à risque de s’y trouver », affirme Jason.

Entre-temps, les organismes dirigés par des Autochtones se sont réunis pour définir les principes fondamentaux d’un nouvel ensemble de logements à Winnipeg. Ils ont aussi décidé que le projet serait guidé par un cercle des aînés.

 

Venez vous asseoir chez nous

« Astum Api Niikinaahk » en cri et en michif signifie « Venez vous asseoir chez nous ».

« Nous voulions reproduire les caractéristiques d’un village, explique Lanna. L’idée s’inscrit dans une approche autochtone de la guérison et de la relation avec la communauté. »

L’ensemble résidentiel comprend 22 logements autonomes, dont 4 logements sont conçus pour les personnes handicapées. Il est situé à proximité de services de soutien.

Chaque logement est doté d’un lit, d’une salle de bains, d’un réfrigérateur et d’une cuisinette. De plus, toutes les entrées sont décorées d’œuvres d’art sur la faune et la flore.

Les logements se font face, autour d’un feu sacré.

On complète le cercle par le « pavillon ». C’est un immeuble distinct destiné à plusieurs évènements : activités culturelles, activités de sudation, célébrations, ateliers, programmes communautaires, enseignements et cuisines communautaires.

Astum Api Niikinaahk n’est pas une maison d’hébergement, c’est un pavillon de ressourcement.
– Donna Walstrom, coordonnatrice du logement, Astum Api Niikinaahk

 

La salle ronde du pavillon est décorée de sauge séchée et on y trouve des remèdes traditionnels et des livres sur la guérison. On y accueille des cercles de partage ouverts au personnel et aux membres de la famille.

Donna Walstrom, coordonnatrice du logement, Astum Api Niikinaahk
Donna Walstrom, coordonnatrice du logement, Astum Api Niikinaahk

« C’est un endroit sûr où l’on peut discuter de choses importantes ou tout simplement exprimer nos sentiments », explique la coordonnatrice du logement, Donna Walstrom.

Les liens et le rétablissement des liens avec la culture sont au cœur de l’approche d’Astum.

Les programmes comprennent la guérison inspirée de la terre. Ainsi, les personnes résidantes peuvent découvrir des activités hors site comme la pêche, la chasse et la collecte de plantes médicinales.

« Certaines de ces activités ont une réelle incidence émotionnelle et spirituelle, affirme Lanna. Selon moi, c’est parce qu’on a longtemps dit à beaucoup de ces personnes que ces possibilités ne leur étaient pas accessibles. »

 

Pavillon de ressourcement communautaire

Chaque nouveau membre de la communauté est considéré comme un membre de la famille.

« C’est plus sympathique », affirme Donna, dont le rôle clé est d’aider les nouveaux membres de la famille à s’intégrer dans le village.

« Les personnes qui arrivent ici viennent d’un campement. Au départ, elles sont toujours aux aguets, explique Lanna. Nous voulons nous assurer qu’elles se sentent en sécurité. Elles peuvent verrouiller la porte. C’est quelque chose que vous et moi tenons pour acquis. »

L’équipe s’assure que les besoins de base des personnes résidentes sont satisfaits. Par exemple, on les aide à obtenir une pièce d’identité ou à rétablir les liens avec les services sociaux.

De plus, on n’exige pas la sobriété des personnes aux prises avec des problèmes de toxicomanie. Elles peuvent rejoindre la communauté et entamer leur guérison.

« Nous accueillons les gens comme ils sont, explique Donna. Astum Api Niikinaahk n’est pas une maison d’hébergement, c’est un pavillon de ressourcement. »

Dans le « salon rond » du pavillon de ressourcement, on a accès à des médicaments traditionnels et à un espace qui permet au personnel et aux membres de la famille de tenir des cercles de partage.
Dans le « salon rond » du pavillon de ressourcement, on a accès à des médicaments traditionnels et à un espace qui permet au personnel et aux membres de la famille de tenir des cercles de partage.

Par cette approche, on reconnaît que la guérison est différente pour chacun. Selon Donna, la guérison de certains membres de la famille ne prend qu’une semaine. Pour d’autres, elle peut prendre des mois, une année et même plus.

« Les baux ont une date de début, mais pas de date de fin. »

Lors des consultations communautaires, l’un des principaux obstacles à la guérison soulevés était la présence de visiteurs. Certaines personnes ont mentionné qu’on leur a déjà demandé de quitter une situation résidentielle particulière en raison d’invités sur place.

« Les visiteurs sont l’une des conditions qui peuvent être utiles à certains moments et nuisibles à d’autres, déclare Lanna. Nous avons dû faire un compromis. »

L’équipe a décidé de ne pas accueillir de visiteurs, en gardant la possibilité de changer la règle éventuellement.

« Jusqu’à présent, je pense que le fait de pouvoir aller dans un espace réservé est un grand succès », affirme Lanna.

 

Un moment de paix

« Dès mon plus jeune âge, j’ai toujours écrit des poèmes », raconte Jason. La composition de chansons est venue plus tard.

Un jour, Jason retournait dans une maison d’hébergement après avoir joué sa musique en ville. Quelqu’un s’est précipité pour le rattraper. C’était un producteur qui lui proposait d’enregistrer certaines de ses chansons. Malheureusement, Jason s’est fait voler sa guitare peu de temps après et n’a donc pas pu profiter de cette offre.

Jason Bell, membre de la famille, Astum Api Niikinaahk
Jason Bell, membre de la famille, Astum Api Niikinaahk

 

Grâce à une nouvelle guitare et à un peu de sérénité, il peut à nouveau se consacrer à l’écriture.

« Je peux souffler, dit-il. J’écris beaucoup, je libère mes émotions. Ce n’est pas toujours tout rose et tout beau. Il m’arrive parfois d’avoir des idées noires, mais je pense qu’écrire est un peu ma façon de guérir. »

Jason a un ami qui possède un studio et a déjà enregistré quelques morceaux.


Je peux souffler. J’écris beaucoup, je libère mes émotions. Il m’arrive parfois d’avoir des idées noires, mais je pense qu’écrire est un peu ma façon de guérir.
– Jason Bell, membre de la famille, Astum Api Niikinaahk

Lorsqu’il a besoin de soutien, le personnel d’Astum est là pour lui. Mais surtout, son logement à Astum lui a donné l’occasion de se reposer et de réfléchir l’avenir qu’il souhaite.

 

Village modèle

L’équipe est reconnaissante envers ses partenaires. Ceux-ci l’ont aidée à concrétiser le projet et à surmonter les difficultés de la construction en contexte de pandémie. « Il y a eu des retards et des hausses de coûts, explique Lanna. Il a fallu organiser de nombreuses collectes de fonds. »

« À End Homelessness Winnipeg, on a été très heureux de participer à ce projet ambitieux et novateur, déclare Jason Whitford. Il est très important pour la communauté de voir ces logements occupés. Il est aussi primordial de s’assurer que les résidents bénéficient des ressources et du soutien nécessaires pour passer à un mode de vie sûr, durable, sain et abordable. Ce projet montre que de bonnes idées existent et qu’une fois mises en œuvre, elles peuvent servir de modèle à suivre à Winnipeg et ailleurs. »

Lanna et l’équipe du Ma Mawi aimeraient recréer un autre village de micromaisons. D’ailleurs, elles ont déjà été approchées par plusieurs groupes qui ont offert leur soutien.

« Au Canada, les populations autochtones sont touchées de manière disproportionnée par l’itinérance. Mais résoudre le problème ne se limite pas à cet aspect, affirme Lanna. Il faut établir des liens avec la culture et les traditions, et assurer la guérison. »

À notre départ d’Astum, Jason discute avec le personnel du pavillon et Donna est assise avec un autre membre de la famille au soleil. Les mots qu’elle a prononcés plus tôt semblent justes.

« En tant que famille, on fait les choses plus rapidement et plus efficacement. Il y a plus de soutien. Nous en venons vraiment à aimer les membres, et ils nous aiment en retour. »

 

KEY FACTS 

 

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