Un ancien combattant sans-abri trouve la paix dans un nouvel ensemble de logements
EN BREF
- Pendant plusieurs années, l’ancien technicien d’armes Bill Beaton est passé d’un emploi à l’autre. Il éprouvait des problèmes de santé, il était dépendant aux opioïdes et il s’est retrouvé en situation d’itinérance.
- Des représentants de Soldats dans la rue ont trouvé Bill dans une maison d’hébergement.
- Bill a raconté son histoire à Suzanne Le, de l’Initiative multiconfessionnelle sur l’habitation, dont le but est de recueillir des fonds pour la construction de la Maison des anciens combattants : l’immeuble Andy Carswell et le campus Canso.
- Bill est maintenant résident de la Maison des anciens combattants. Il concentre désormais ses efforts pour venir en aide à d’autres personnes qui vivent des situations semblables à la sienne.
Par sa fenêtre, à la Maison des anciens combattants, Bill Beaton regarde l’immeuble Andy Carswell, à Ottawa, qui donne sur le Jardin de la paix. On peut y voir 17 types d’arbres, bruissant dans le vent. Bill est très reconnaissant de pouvoir contempler un tel paysage. Il s’agit d’un vif contraste par rapport au reste de sa vie.
Enfant, Bill est passé d’une famille d’accueil à une autre. À 14 ans, en plein hiver, il s’est enfui. « J’ai eu des engelures aux mains et aux pieds », affirme Bill. À ce moment, il n’a pas réalisé l’incidence que ces engelures auraient plus tard sur sa carrière.
Au cours des six années suivantes, il a parcouru le Canada et a occupé des emplois ici et là. Il a également acquis un fort sentiment de fierté canadienne.
À 24 ans, il s’est retrouvé à Toronto, sans argent. Il avait un niveau scolaire de 9e année et peu de possibilités d’emploi.
La fierté canadienne de Bill le mène à une carrière militaire
« J’ai voulu aller à l’étranger, explique Bill. L’une des façons d’y arriver était de se joindre à l’armée et de servir son pays. »
Les engelures qu’il avait subies des années plus tôt ont exclu l’armée de ses plans, de sorte qu’il s’est joint à l’Aviation canadienne. En tant que technicien d’armes, Bill a passé les sept années suivantes à travailler sur toutes sortes d’armes, des pistolets aux ogives nucléaires.
« Je me suis retrouvé à Comox pendant cinq ans. L’endroit est magnifique », affirme Bill. Mais il y a eu des difficultés. Il a été confronté à une relation difficile avec un haut gradé militaire. Alors, lorsque l’occasion d’être affecté en Allemagne s’est présentée, il l’a saisie. La petite amie de Bill était également dans l’armée. Ils se sont mariés pour accroître leurs chances d’être affectés ensemble. En fin de compte, ils se sont retrouvés au Québec, où Bill a encore croisé le même officier militaire de haut rang.
« Je me suis dit que ce serait impossible pour moi d’obtenir un grade plus élevé que ce gars-là. J’avais perdu l’occasion d’aller en Allemagne, alors j’ai décidé qu’il était temps de partir. »
Difficultés de la vie civile
Bill a commencé une nouvelle carrière dans la vente d’assurance. Il déménageait chaque fois que sa femme était affectée à une nouvelle base. Il a occupé des postes chez un concessionnaire d’automobiles et dans une entreprise de recrutement de cadres. Il a ensuite géré quelques centres commerciaux.
Le couple a eu une fille et la carrière de sa conjointe s’est épanouie. Elle parcourait le monde pour soutenir le premier ministre Brian Mulroney. Bill luttait alors pour trouver un équilibre entre son rôle de parent, son travail et sa relation à distance. Sa santé mentale en a souffert. Après avoir passé un temps à cultiver et à vendre du cannabis, Bill s’est retrouvé en prison.
Il est difficile d’obtenir un emploi lorsqu’on donne l’adresse d’une maison d’hébergement.
Bill et sa conjointe ont divorcé, huit ans après son départ de l’armée. Il a déménagé à Ottawa et s’est retrouvé en situation d’itinérance.
Bill a passé un an dans une maison d’hébergement et a appris à connaître tout le monde. Il a recommencé à vendre du cannabis.
« On devient institutionnalisé. C’est presque comme être militaire. »
Il voulait partir, mais il avait du mal à trouver du travail.
« Il est difficile d’obtenir un emploi lorsqu’on donne l’adresse d’une maison d’hébergement. »
Finalement, Bill a trouvé une chambre. « C’était une toute petite pièce minuscule de rien du tout, explique Bill.
Il y avait une fissure de près de cinq centimètres dans la porte. J’ai dû y coincer une couverture pour empêcher le vent de souffler par l’ouverture. Sinon, le courant d’air éteignait la veilleuse de mon appareil de chauffage au gaz. Bien sûr, mon lit était juste devant la porte. Quand l’hiver est arrivé, j’ai attrapé une pneumonie. »
Bill dit qu’il a passé 10 jours dans le coma. Sa santé s’est détériorée davantage au cours de l’année suivante. On lui a prescrit des opioïdes pour la gestion de la douleur.
Bill s’est retrouvé une fois de plus en prison pour vente de cannabis. Il a perdu l’accès à ses médicaments. Il a alors subi une crise cardiaque qui aurait pu s’avérer mortelle.
Le cycle de vente de cannabis, de prison et de consommation d’opioïdes a duré des années. Puis, un jour, de retour à la maison d’hébergement, il a rencontré des bénévoles de l’organisme Soldats dans la rue.
Retrouver un sentiment de fierté
« Ces gens sont formidables, affirme Bill, qui a du mal à retenir ses émotions. Ce sont des soldats qui sont actuellement en service et qui consacrent de leur temps personnel pour aller dans des maisons d’hébergement à la recherche d’anciens combattants en situation d’itinérance. Ils m’ont sorti de la maison d’hébergement et m’ont emmené dans une chambre de motel. »
Bill a eu de l’aide des soldats pour chercher un appartement. Il a commencé à se rendre au centre de jour du chemin Montréal. « Ils m’ont tant donné. Pouvoir offrir de l’aide au centre de jour m’a redonné un peu de fierté, vous comprenez? »
Il a ensuite rencontré Suzanne Le, directrice générale de l’Initiative multiconfessionnelle sur l’habitation (en anglais seulement). Elle a été inspirée par l’histoire de Bill. Suzanne et son équipe travaillaient déjà à l’aménagement d’un ensemble de logements pour les anciens combattants, le premier du genre. Elle lui a demandé s’il aimerait donner un coup de main.
« Bien sûr! » , a répondu Bill.
Dès le début, Bill était enthousiaste à l’égard de la nécessité de créer la Maison des anciens combattants.
Il s’est porté volontaire pour aider à amasser des fonds pour la Maison des anciens combattants. Il ne savait pas si l’ensemble se concrétiserait ni s’il aurait l’occasion d’y vivre.
« Dès le début, Bill était enthousiaste à l’égard de la nécessité de créer la Maison des anciens combattants. Son aide a été très utile pendant notre période de financement. Il offrait son point de vue d’ancien combattant quand les médias demandaient une entrevue », explique Suzanne Le.
« Il a été essentiel d’avoir avec nous un ancien combattant qui a eu le courage de raconter son histoire d’itinérance. Bill a pu faire pression pour la création de l’immeuble Andy Carswell. Il l’a fait non seulement pour lui-même, mais aussi pour ses camarades anciens combattants de la ville. Ces personnes ont besoin d’un logement permanent avec services de soutien. »
L’un des premiers à franchir la porte
La collecte de fonds a été un succès et la Maison des anciens combattants a été achevée au début de 2021. Bill a fait une demande tout de suite et a été l’un des premiers anciens combattants à emménager.
« Je ne sais même pas par où commencer, exprime Bill. J’ai de nouveau un chez-moi. »
La Maison des anciens combattants est conçue pour refléter la culture et les valeurs des militaires, tout en maintenant un aspect non institutionnel. Les mesures de soutien et les services favorisent la réadaptation et la création de liens. Il s’agit notamment de consultation sur place, d’une cuisine communautaire, d’un gymnase, d’un potager et d’un parc à chiens, où les anciens combattants peuvent y entraîner leur chien d’assistance.
« Ils ont beaucoup réfléchi à cet endroit, affirme Bill. Si vous regardez autour de vous, les gens qui sont ici depuis quelques mois vivent une sorte de transformation. Ils ont de l’espoir. J’espère vraiment qu’ils en feront un modèle. »
Après de nombreuses années de lutte, Bill vit au jour le jour. Il ne peut pas travailler en raison de douleurs chroniques, mais il apprend à jouer de la guitare. Il apprend aussi à utiliser Photoshop par lui-même. Il visite également des maisons d’hébergement pour aider d’autres anciens combattants qui vivent des situations semblables à la sienne.
« Il est difficile de trouver des anciens combattants en situation d’itinérance, explique Bill. « Il serait impossible de traverser certaines des choses que ces types ont vécues sans avoir une certaine fierté. »
Lorsque Bill rencontre d’autres anciens combattants en situation d’itinérance, il y a une compréhension mutuelle.
« Ils retrouvent un peu de fierté, parce que nous avons quelque chose en commun. »
Il arrive à Bill de réfléchir aux moments sombres de son parcours. Il croit qu’il y a une raison pour laquelle il est encore ici.
« J’aimerais que tout le monde sorte de l’itinérance. »
FAITS SAILLANTS
- La Maison des anciens combattants : L’immeuble Andy Carswell est financé dans le cadre du Fonds national de co-investissement pour le logement. Il s’agit d’une initiative de la Stratégie nationale sur le logement.
- L’ensemble de 40 unités offre des logements abordables avec services de soutien aux anciens combattants en situation d’itinérance à Ottawa.
- Neuf logements sont entièrement accessibles, et les 31 autres répondent aux normes d’accessibilité universelles.
- Salus Ottawa offre des services de consultation et de soutien sur place.
- Grâce à la conception de la maison passive, la Maison des anciens combattants, l’immeuble Andy Carswell, atteindra un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 60,3 %.
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