Solutions de logement – Aide d’un diplômé en architecture
EN BREF
- L’Association canadienne pour l’intégration communautaire (en anglais seulement) estime qu’entre 100 000 et 120 000 adultes ayant une déficience développementale ont de la difficulté à combler leurs besoins en matière de logement et de soutien.
- L’organisme Skills Society d’Edmonton a dirigé le laboratoire de solutions sur l’avenir des logements inclusifs afin de combler les lacunes en matière de logement pour les personnes ayant une déficience développementale.
- Levi Lawton, 24 ans, a passé cinq mois et demi à l’hôpital en raison d’un manque de logements convenables. Il met à profit ses connaissances en architecture et son expérience vécue pour aider l’équipe du laboratoire à élaborer des solutions de logement inclusives et abordables.
« Ça a été difficile pour moi, et ça doit changer pour les autres. »
Levi Lawton, 24 ans, est comme beaucoup de jeunes adultes : il regarde Netflix, est un client régulier du Tim Hortons du coin et aime profiter des grands espaces qu’offre l’Alberta, quand il ne neige pas. Sa passion pour le design l’a également amené à suivre des cours d’architecture au Northern Alberta Institute of Technology.
Mais contrairement à de nombreux jeunes adultes, Levi vit avec une déficience développementale. Il se déplace également en fauteuil roulant et a des besoins particuliers en matière d’accessibilité. Il a donc eu énormément de difficulté à trouver un logement convenable et accessible.
Ma mère et moi savions qu’elle ne pouvait pas continuer à prendre soin de moi. C’était trop pour elle, mentalement et physiquement. De plus, je voulais vraiment être autonome.
Il y a quatre ans, Levi s’est retrouvé à l’hôpital en raison d’une fracture à la rotule – et sur une liste d’attente de deux à cinq ans pour un logement qui répondrait à ses besoins en matière d’accessibilité et de soutien. Après avoir reçu son congé de l’hôpital, mais n’ayant nulle part où aller, il a attendu près de six mois avant de trouver un nouveau chez-soi.
- Près de 30 000 adultes ayant une déficience développementale vivent dans des établissements résidentiels collectifs et des foyers de groupe.
- Plus de 13 200 personnes de 30 ans ou plus ayant une déficience développementale vivent avec leurs parents parce qu’elles n’ont pas les ressources ou le soutien communautaire nécessaires pour avoir leur propre chez-soi.
- Environ 10 000 personnes de moins de 65 ans ayant une déficience développementale vivent dans des hôpitaux, des maisons de soins infirmiers ou des établissements de soins de longue durée parce qu’elles n’ont pas accès à des logements abordables ou aux services de soutien nécessaires.
Source : Association canadienne pour l’intégration communautaire (en anglais seulement)
« Sans vouloir m’apitoyer sur mon sort, il m’est arrivé de m’endormir en pleurant parce que je ne savais pas où j’allais habiter, raconte Levi. « Ma mère et moi savions qu’elle ne pouvait pas continuer à prendre soin de moi. C’était trop pour elle, mentalement et physiquement. De plus, je voulais vraiment être autonome. »
La mère de Levi, Amanda, a cherché sans relâche un logement convenable pour lui. Elle a visité des foyers de groupe et même des résidences pour personnes âgées. Vu le manque de logements inclusifs, les résidences pour personnes âgées sont l’une des rares options qui s’offrent aux jeunes adultes vivant avec un handicap.
« Ça ne me semblait pas être un environnement convenable pour un jeune homme au début de la vingtaine », explique Amanda.
Amanda et Levi ont exploré plusieurs pistes et ont même rencontré une personne ayant déjà fait partie du cabinet des ministres du gouvernement de l’Alberta. Frustrée et épuisée par tous ces efforts vains, Amanda s’est absentée de l’hôpital un soir pour aller assister à un évènement dans le cadre de la Semaine de la mode de l’Ouest canadien. L’une des mannequins était la légende locale d’Edmonton Bean Gill, qui a été nommée Miss Canada en fauteuil roulant en 2018. Réalisant que Bean Gill et les autres mannequins devaient avoir des besoins semblables à ceux de Levi en matière de logement, Amanda est allée lui parler.
Cette rencontre fortuite a permis à Levi d’obtenir un appartement à Artspace, une coopérative d’habitation ayant des logements accessibles.
Amanda a également fait pression pour obtenir du financement et du soutien afin que Levi reçoive les soins dont il avait besoin.
Elle a trouvé ce qu’elle cherchait auprès de Skills Society, un organisme sans but lucratif qui offre du soutien et des services à plus de 350 personnes ayant une déficience développementale. Quelqu’un de l’équipe se rend régulièrement chez Levi pour l’aider à effectuer des tâches, comme faire l’épicerie et prendre des rendez-vous médicaux.
Au-delà des services de soutien : repenser la conception des logements
Skills Society est l’une des plus vieilles et des plus importantes organisations de la région d’Edmonton à offrir des services aux personnes handicapées et à défendre leurs droits. Cet organisme sans but lucratif s’efforce sans cesse d’en faire plus pour les gens comme Levi, déterminé à trouver des moyens novateurs de soutenir les membres marginalisés de la collectivité afin de les aider à mener une vie riche et inclusive.
Skills Society travaille également à faire évoluer les systèmes. Après avoir passé des années à peaufiner ses processus de résolution de problèmes, l’organisme a créé un laboratoire d’actions. Situé dans un espace locatif, le laboratoire d’actions repose sur l’utilisation d’approches systémiques en matière de conception afin d’élaborer des solutions avec l’aide de membres de la collectivité.
Son plus récent projet est un laboratoire de solutions sur l’avenir des logements inclusifs. Ce laboratoire est dirigé par Skills Society en partenariat avec Inclusion Alberta, Civida (anciennement Capital Region Housing) et Homeward Trust.
Paige Reeves est responsable de la recherche et de l’innovation sociale à Skills Society. Elle a également codirigé le projet de laboratoire de solutions sur l’avenir des logements inclusifs.
« Si nous avons décidé de faire un laboratoire d’innovation sociale, c’est surtout parce que cette approche nous permettait de mobiliser des personnes handicapées afin de résoudre les problèmes que nous avions ciblés. Cette façon de faire assurait également un espace dans lequel différents points de vue pouvaient être exprimés afin de surmonter des défis de taille. »
Dans le cadre de ce laboratoire, deux grandes équipes regroupant des promoteurs, des architectes, des concepteurs, des personnes handicapées et du personnel de soutien ont été chargées de concevoir un prototype. Celui-ci devait prévoir un espace physique et des modèles de soutien qui pourraient s’intégrer à un tel espace.
La première équipe, responsable des services de soutien à des emplacements dispersés, a ciblé les personnes ayant des besoins complexes en matière de services, y compris celles qui sont souvent hospitalisées ou qui sont en situation d’itinérance.
La deuxième équipe, responsable des services de soutien partagés dans un milieu communautaire, a examiné les solutions de rechange possibles à ce qu’on appelle souvent un modèle de foyer de groupe, où au moins trois personnes handicapées vivent ensemble comme colocataires et partagent des services de soutien.
Si nous avons décidé de faire un laboratoire d’innovation sociale, c’est surtout parce que cette approche nous permettait de mobiliser des personnes handicapées afin de résoudre les problèmes que nous avions ciblés.
Les deux équipes ont mené des entrevues sur place avec des personnes ayant une expérience vécue, leurs alliés, des membres de leur famille, des fournisseurs de services et des promoteurs afin de mieux comprendre les problèmes de logement auxquels font face les personnes ayant une déficience développementale.
Chaque équipe a ensuite fait un remue-méninges pour trouver des solutions créatives. Les plus prometteuses ont été transformées en prototype.
L’équipe responsable des services de soutien à des emplacements dispersés a élaboré un prototype d’immeuble collectif offrant des appartements avec services au rez-de-chaussée et pouvant accueillir plusieurs familles. Pour répondre au grand besoin de renforcement du sentiment de communauté, elle a également suggéré la mise en place d’un service de conciergerie communautaire.
« Le service de conciergerie serait le point de contact principal pour tous les résidents de l’immeuble, précise Paige Reeves. Mais une attention particulière serait accordée aux personnes handicapées. Ce service pourrait aussi organiser des activités pour rassembler les résidents, les amener à tisser des liens et ainsi renforcer leur sentiment d’appartenance. »
Comme l’a dit l’une des équipes principales, nous ne concevons pas seulement un bâtiment, nous concevons un mode de vie.
L’équipe des services partagés dans un milieu communautaire a élaboré un prototype de logement multigénérationnel qui comprenait des espaces partagés, comme une cuisine et un jardin, où les résidents auraient l’occasion de tisser des liens et ainsi renforcer leur sentiment d’appartenance à la communauté.
« Comme l’a dit l’une des équipes principales, nous ne concevons pas seulement un bâtiment, nous concevons un mode de vie », rapporte Paige Reeves.
L’un des plus grands défis que les équipes ont dû relever a été de concevoir des prototypes respectant les trois objectifs en matière de logement : l’abordabilité, l’accessibilité et l’inclusion.
« On ne voulait faire aucun compromis, ce qui s’est révélé très difficile, se souvient Paige Reeves.
En voulant rendre un logement abordable, on le rend moins accessible, car les caractéristiques d’accessibilité peuvent coûter un peu plus cher. Et si on veut que l’immeuble soit situé à un endroit central, il devient automatiquement moins abordable. »
Vers un prototype de logement
Les équipes ont présenté leurs prototypes à des personnes handicapées pour recueillir leurs commentaires.
Levi a donné son avis sur le modèle du milieu communautaire avec des services partagés. Avec humour et perspicacité, il a nommé des endroits qui seraient idéaux et moins idéaux pour favoriser un sentiment d’appartenance à une communauté.
« Je n’ai pas d’objection à ce qu’il y ait un café bar ou quelque chose du genre, mais je suis moins à l’aise avec l’idée de voir mon voisin faire sa lessive. »
Il a également proposé des idées fondées sur son expérience en tant qu’utilisateur de fauteuil motorisé, y compris des comptoirs surélevés et une douche de plain-pied.
Un modèle prometteur
Une fois tous les commentaires recueillis, une petite équipe responsable a fusionné les deux prototypes en un seul concept de logement inclusif de type appartement pour les personnes handicapées.
Souhaitant que le modèle devienne une réalité, Skills Society a effectué une évaluation de faisabilité et prévoit de collaborer avec une société de promotion immobilière sur un projet pilote.
Levi adorerait vivre dans un endroit comme celui qu’imagine Skills Society et, grâce à ses connaissances en architecture, il continuera d’explorer des moyens de faire en sorte que des projets d’immeubles comme celui-ci se concrétisent.
Il compte aussi poursuivre sa lutte pour les droits des personnes handicapées dans l’espoir de sensibiliser les gens à la nécessité de rendre nos collectivités plus inclusives.
« J’espère qu’après la pandémie, les gens comprendront à quel point il est important d’avoir accès à des soins de santé et de veiller les uns sur les autres. »
FAITS SAILLANTS
- Le laboratoire de solutions sur l’avenir des logements inclusifs a reçu du financement dans le cadre des laboratoires de solutions, une initiative de la Stratégie nationale sur le logement.
- L’objectif de cette initiative de la Stratégie nationale sur le logement est d’élaborer des solutions de classe mondiale aux problèmes complexes en matière de logement, de manière à contribuer aux domaines d’intervention prioritaires de la Stratégie.
- L’équipe des laboratoires de solutions a produit divers outils et rapports, notamment un document d’introduction, un mini-documentaire et un rapport d’évaluation, qui se trouvent tous sur le site Web de Skills Society (en anglais seulement).
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