Une étude primée révèle l’importance des logements avec services de soutien pour les jeunes LGBTQ2S
Pour bon nombre d’entre nous, notre chez-soi est un sanctuaire. Pour Skylar King, 17 ans, sa maison de Scarborough, en Ontario, était devenue un environnement toxique. Sa famille n’acceptait pas son identité queer et, après un incident particulièrement difficile, il a quitté la maison. Au début, il a séjourné dans un refuge d’urgence à Toronto, mais séjourner dans ce genre d’endroit peut souvent être une expérience angoissante.
« Ça peut être difficile de rester là lorsque les gens peuvent voir que vous êtes queer », dit Skylar. « Les gens se comportent comme s’ils étaient dans la rue. Ils essaient de jouer les durs, et ce n’est pas une atmosphère sécuritaire. »
Lorsque Skylar a appris que le YMCA Sprott House ouvrait ses portes au centre-ville de Toronto, il a sauté sur l’occasion pour présenter sa demande.
Le YMCA Sprott House est le premier programme de logement de transition au Canada qui soit spécialement destiné aux jeunes qui s’identifient comme lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres, queers ou bispirituels (LGBTQ2S). Skylar est devenu l’un de ses premiers résidents et participants au programme.
« Je me sentais à l’aise de parler au personnel de mes traumatismes passés, explique Skylar. Ils étaient toujours disponibles et je leur faisais confiance. Ils m’ont aidé à trouver des ressources, comme la banque alimentaire et les programmes de déjeuners. Ils se sont assurés que je me rendais à mes rendez-vous médicaux et ont gardé des objets pointus à l’écart lorsque je craignais de me faire du mal. »
Aujourd’hui âgé de 21 ans, Skylar a terminé ses études secondaires et a trouvé un appartement avec la personne qu’il fréquente et qu’il a rencontrée à Sprott House. Avec l’aide du personnel du centre d’hébergement, il a aussi appris des stratégies pour l’aider à se réconcilier avec sa mère.
Cette étude primée visait à examiner les résultats des jeunes #LGBTQ2S une fois qu’ils ont obtenu du soutien à la Sprott House du YMCA à #YYZ. Des jeunes comme Skylar ont trouvé un groupe de soutien dans la maison de transition.
L’expérience de Skylar appuie les conclusions d’une étude primée dirigée par Alex Abramovich, Ph. D. et scientifique à l’Institut de recherche sur les politiques en santé mentale (Institute for Mental Health Policy Research) du Centre de toxicomanie et de santé mentale et professeur adjoint à la Dalla Lana School of Public Health de l’Université de Toronto. Depuis près de 15 ans, M. Abramovich étudie les enjeux liés à l’itinérance chez les jeunes LGBTQ2S.
L’étude par méthodes mixtes s’est déroulée sur une période d’un an. Les résidents de Sprott House ont été invités à participer à des entrevues approfondies d’une heure au moment de leur inscription et à la fin du programme, un an plus tard.
Ils ont également participé à des enquêtes normalisées visant à collecter des informations sur la démographie, la santé mentale et le bien-être, les liens familiaux et la participation communautaire. Monsieur Abramovich s’est également entretenu avec le personnel et la direction de Sprott House pour connaître leur point de vue sur ce qui fonctionnait bien et sur ce qui devait être amélioré.
« Pour moi, la constatation la plus importante était que les jeunes se sentaient en sécurité et à l’aise de vivre à Sprott House – certains pour la première fois de leur vie, explique Alex Abramovich. Certains ont même dit qu’ils avaient l’impression de faire partie d’une famille, ce que j’ai trouvé incroyable parce que tant de jeunes LGBTQ2S ne se sentent pas en sécurité et ont été rejetés par leur famille. »
L’étude a montré les avantages d’un logement axé sur une population en particulier pour aider les jeunes à acquérir une plus grande stabilité. Moins de résidents étaient sans emploi à la fin de leur séjour, et davantage étaient inscrits à l’école. Parallèlement, l’étude a révélé certains points à améliorer, notamment le besoin accru de services de soutien en santé mentale.
En 2019, cette recherche a valu à M. Abramovich et à son équipe le Prix Toit d’or de la SCHL pour l’excellence en recherche sur le logement (10 000 $), qui récompense la recherche exceptionnelle sur le logement au Canada. Il espère que les résultats positifs mis en évidence par l’étude mèneront à un plus grand nombre de programmes destinés spécifiquement aux jeunes LGBTQ2S en situation d’itinérance.
« Il y a une forte corrélation entre les jeunes qui dévoilent leur identité ou leur orientation sexuelle et l’itinérance. Nous n’avons toujours pas de données exactes sur le taux d’itinérance chez les jeunes LGBTQ2S au Canada, mais nous estimons que parmi les 40 000 jeunes qui sont sans abri, entre 25 % et 40 % s’identifient au groupe LGBTQ2S. La cause la plus fréquente est le rejet fondé sur l’identité au sein de la famille. »
Les jeunes LGBTQ2S sont souvent victimes d’homophobie et de transphobie à tous les niveaux dans les centres d’hébergement et les programmes de logement. Parfois, la discrimination est plus subtile, prenant la forme de politiques et de formulaires qui ne sont pas inclusifs ou d’employés qui ne respectent pas les pronoms. Parfois, elle est plus dangereuse et peut entraîner de l’intimidation et de la violence, par exemple lorsque le personnel présume que les jeunes transgenres devraient être placés à l’étage des hommes ou des femmes, plutôt que de leur donner le choix de l’endroit où ils se sentent le plus en sécurité.
« La différence entre Sprott House et de nombreux autres centres d’hébergement, c’est que tous les programmes ont été conçus du point de vue des LGBTQ2S et que beaucoup d’employés s’identifient eux-mêmes comme étant LGBTQ2S, ce qui aide les jeunes à établir un lien avec le personnel. Cela fait une très grande différence lorsque les jeunes peuvent se reconnaître dans le personnel qui travaille aux programmes et lorsque les employés comprennent l’importance de poser des questions sur les pronoms et les noms choisis. Le personnel connaît bien les programmes offerts à la communauté LGBTQ2S dans toute la ville et peut aider les jeunes à accéder à des ressources communautaires particulières », dit M. Abramovich.
Il reconnaît que les jeunes ne veulent pas tous des programmes particuliers, mais qu’ils devraient avoir des options. À terme, il aimerait que chaque centre d’hébergement puisse répondre aux besoins des jeunes LGBTQ2S et leur offre un environnement sécuritaire.
Avec l’arrivée de la COVID-19, les jeunes LGBTQ2S éprouvent encore plus de difficultés. Alex Abramovich cherche à obtenir du financement pour étudier les répercussions de la COVID-19 sur les jeunes LGBTQ2S à risque d’itinérance et en situation d’itinérance. Bon nombre des services de soutien et des programmes de halte-accueil sur lesquels comptent les jeunes sans-abri ont été suspendus. De plus, ils peuvent être plus gravement touchés par les problèmes de santé mentale associés à cette période difficile. Les taux de suicide, de dépression et d’anxiété sont déjà plus élevés au sein de ce groupe de la population.
Il y a aussi un nombre incalculable de jeunes LGBTQ2S qui vivent habituellement chez des amis, dans un logement précaire ou encore en résidence à l’université, au collège ou au cégep. Avec la crise de la COVID-19, ils ont soudainement été forcés de retourner dans des familles maltraitantes.
Pour Alex Abramovich, qui s’identifie comme étant queer et transgenre, sa recherche revêt également un aspect personnel.
« J’ai grandi à Toronto, où l’itinérance est un problème très répandu et visible. Même quand j’étais jeune, j’avais beaucoup de questions sur l’itinérance. Plus tard, à l’adolescence, j’ai vécu une expérience éprouvante lorsque j’ai dévoilé mon identité. Mon travail me touche donc de très près. Aujourd’hui plus que jamais, il est important de trouver des moyens de soutenir les plus vulnérables d’entre nous. »
L’étude « Outcomes for Youth Living in Canada’s First LGBTQ2S Transitional Housing Program » a été financée par la Ville de Toronto. Le programme des Prix d’excellence en recherche sur le logement de la SCHL récompense les activités novatrices qui ont une incidence sur le logement au Canada, comme la recherche en matière de logement, la formation en recherche, les programmes de proximité en matière de mobilisation des connaissances. La date limite de présentation des candidatures aux prix de 2020 est le 17 juillet 2020.
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